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Paris à la vie, à la mort

Un an après le massacre du Bataclan, la salle de concert rouvre ses portes. Comme cela avait été le cas en 1986 pour le magasin Tati rue de Rennes ou le Drugstore Publicis en 1974. Le photographe Alexandre Guirkinger est revenu sur ces lieux de la capitale touchés par un attentat.

Le Monde | 11.11.2016 à 14h23 • Mis Ă  jour le 11.11.2016 à 15h45 | Par Laurent Telo

L e Stade de France - le Bataclan - L’Hyper Cacher - Charlie Hebdo…, le magasin Tati de la rue de Rennes. la rue des Rosiers, la station de RER Saint-Michel, le drugstore de Saint-Germain-des-Prés. En revenant sur la scène de huit théâtres tragiques, les plus indélébiles dans la mémoire collective parisienne, le photographe Alexandre Guirkinger ne cherchait pas à soulever le drap lourd de la mort, à piller des sépultures ou à réveiller des fantômes. La lisibilité d’un sens immédiat, d’une démonstration ou d’un quelconque message n’était même pas nécessairement son affaire.

Bataclan, Paris 11e

Alexandre Guirkinger a parcouru, appareil photo en main, les lieux de la capitale touchés par les attentats. Des clichés en couleur, pleins de vie, qu’il oppose au noir et blanc de la tragédie. Le Bataclan, le Drugstore Publicis, le magasin Tati de la rue de Rennes…Vendredi 13 novembre 2015, prise d’otages dans la salle de concerts revendiquée par l’organisation État islamique (EI). Quatre-vingt dix morts, plusieurs centaines de blessés.

Alexandre Guirkinger pour M Le magazine du Monde

Le photographe a juste voulu intercepter l’instant où se forme le silence. Rouvrir les paupières après la folie, la dislocation, le chaos, le désastre et l’hébétude, après le blast médiatique, une fois que le déferlement d’images s’est tu. Pour voir. revoir. la supériorité du soleil sur le sang, dans le ciel de Paris. Une fois l’emplacement retourné à sa banalité quotidienne. Quand le flot des passants appelle la résilience.

191 morts et 1 400 blessés depuis 1974

Huit lieux. Pas plus. Parce que… Qui se souvient de tout. On n’a pas idée de regarder en arrière. Pourtant, depuis quarante-deux ans, Paris et le terrorisme sont condamnés l’un à l’autre. Depuis 1974. 40 actes terroristes, 191 morts, 1 400 blessés. Et seulement 11 plaques commémoratives. Ce n’est pas que certaines vies ne valent rien. Mais il fut des époques où il n’était pas vraiment question de se souvenir. Dans les strates oubliées du grand cimetière du terrorisme, qui se souvient que, durant la seule année 1986, les Champs-Élysées furent frappés trois fois et que cinq personnes trouvèrent la mort sur la plus belle avenue du monde. Que le 3 février 1986, à 21 h 20, une bombe explose dans la galerie du Claridge, tuant un passant et blessant huit autres personnes. Le 20 mars, il y eut deux morts et vingt-neuf blessés dans la galerie Point Show. Le 14 septembre, deux morts au Pub Renault.

Qui se souvient du 15 juillet 1983. À l’aéroport d’Orly-Sud, un jour de départ en vacances, une bombe cachée dans une valise explosa au comptoir d’enregistrement de la Turkish Airlines. il y eut huit morts. La bombe devait plutôt exploser en vol. Qui se souvient que c’est l’Armée secrète arm énienne de libération de l’Arménie (ASALA) qui revendiqua l’attentat. Organisation interdite d’un peuple clandestin qui voulait faire reconnaître le génocide arménien de 1915 perpétré par les Turcs. Ils ont d’abord crié, les mains en porte-voix. Puis ont décidé de tuer. L’artificier Varoujan Garbidjian fut condamné à la prison à perpétuité. En 1991, son pays a obtenu l’indépendance. Les lois historiques du terrorisme ne sont pas linéaires. Et quand on parle de terrorisme, le mot « pourquoi » n’a jamais de sens.

Aujourd’hui, c’est l’état d’urgence. Les soldats Vigipirate semblent glisser sans but sur le pavé parisien. Cet après-midi du 15 juillet 1983, François Mitterrand ne décréta pas l’état d’urgence. Le terminal ne fut pas bouclé. Joseph Franceschi, secrétaire d’État chargé de la sécurité publique, répondit, sur place, aux questions des journalistes. Il avait le visage résigné de la fatalité. L’avion de la Turkish Airlines s’envolait avec seulement quelques heures de retard. Paris n’avait même pas besoin de nous dire de ne pas avoir peur.